Friday, June 22, 2012

Un instrument d’interprétation du monde

La cartographie, terme né à la fin du XIXe siècle, renvoie aujourd’hui à toute une série de pratiques pluridisciplinaires. Selon Turnbull, cartographier signifie en général « assembler des savoirs locaux », savoirs qui sont de nature fondamentalement géographiques. Ainsi, cartographier les villes, les campagnes, les mers et les paysages, les lieux et les espaces contribuent à l’élaboration de géographies réelles et fictionnelles qui exercent une influence politique et économique, sociale et culturelle. Ainsi, relève Casti, la cartographie est aussi devenue « une théorie des actes cognitifs et des technologies par lesquels l’homme réduit la complexité environnementale et s’approprie intellectuellement le monde ». La cartographie est donc aussi un « instrument d’interprétation du monde », un langage, mobilisé tant pour essayer de rendre compte du réel (cartes documentaires des voyageurs, des géographes) que de l’imaginaire (cartes jointes à des romans, des bandes dessinées).

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Bien souvent nourri par un imaginaire de lieux, l’écrit littéraire a partie liée avec la géographie. Daniels et Rycroft avancent l’hypothèse que la forme littéraire est géographique de façon inhérente car le monde du roman est fait d’emplacements et de milieux, de territoires et de frontières, de perspectives et d’horizons. Des espaces et des lieux sont investis et imaginés . Westphal quant à lui développe la géocritique, une méthode d’analyse qui mobilise « la théorie littéraire, la géographie culturelle et l'architecture » . Qu’elles s’ancrent plus ou moins fidèlement dans des lieux réels ou dépeignent des univers fictionnels, les narrations sont donc aussi des instruments de connaissance permettant, par le détour de l’imaginaire, d’appréhender le réel. En retour, si la démarche scientifique qui consiste à explorer les fictions pour en donner une lecture des sociétés est peu courante en France, comme l’a souligné Musset, quelques essais précurseurs avaient cependant ouvert la voie (Frémont cartographiant l’espace vécu de Madame Bovary , Lacoste redessinant le cadre géopolitique du Rivage des Syrtes , …) ; ces approches actuellement renouvelées par des expériences novatrices de cartographie et de modélisation des œuvres de fiction qui en démontrent tout l’intérêt au plan heuristique (par exemple Semmoud et Troin ou Brosseau ).

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