Wednesday, August 22, 2012

Réalisme

« Je ne me défie pas de la réalité, dont à vrai dire je ne sais trop rien, mais de l’image que nos sens nous délivrent de la réalité… » Gerhard Richter
Je ne tenais pas à me rapprocher de la réalité. Il me suffisait de garder le contact avec elle. Le maintenir était pourtant impossible.
Pour connaître ce qui se passe dans le monde, il ne reste que les journaux ainsi que leurs images. Rien qui soit vérifiable à partir de nos propres sens, si ce n’est justement ce reflet-là. Mais en l’absence d’informations de cette sorte, à quelle aune mesurer ce que les sens saisissent à leur proximité ? Une telle proximité, à sa manière, est irréelle. Je pourrais à tout instant me trouver ailleurs. Serais-je alors ici, en réel ? Me revoilà siégeant en pleine négociation, et de m’observer signifiant mon impatience d’un geste que je connaissais de ma mère. Cela m’a échappé. Des tours pareils (tout comme des tournures verbales que l’on a en tête) forment un chœur en concert avec diverses réalités issues du passé. Je les trimballe à travers mon quotidien, plus ou moins à mon insu. En définitive, ces blocs erratiques sur lesquels je trébuche font comprendre pourquoi, aux premières heures de ce lundi matin, je circule à vive allure dans les rues de Francfort. Ce lien avec les ancêtres rend improbable qu’un jour les connexions avec la réalité se perdent complètement, quand bien même on m’enfermerait durablement dans une cellule de quartier haute sécurité.

Alexander Kluge pour Gerhard Richter

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